Suor
Une grande bâtisse, rose délavé, au coeur de l’antique Salvador de Bahia, là même où s’élevait le pilori au temps de l’esclavage. Aujourd’hui, l’esclavage est officiellement aboli ; mais reste la sueur du malheur, l’oppression des hommes et des femmes de ce quartier misérable, mais aussi la vitalité du peuple brésilien.
Écrit en 1934, Suor est l’un des premiers romans du grand romancier brésilien Jorge Amado, l’un des fondateurs du Temps des Cerises. Déjà se manifeste dans ce roman le sens épique, l’attention à la vie populaire, le sens des histoires et de l‘histoire de Jorge Amado.
Traduit du brésilien par Alice Raillard.
Première édition au Temps des Cerises en 1993
Prix
12 €
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Caractéristiques
- Pages : 156
- Langue : Français
- ISBN : 2841090020
- Dimensions : 140 x 1950
- Date de sortie : 15/03/2015
Revue de Presse
On commence par lire en flânant, les mains dans les poches, le regard un peu blasé, et puis… et puis on est bientôt pris par l’envie d’en finir au plus vite, tellement ça nous saisit les narines d’un remugle écœurant. Odeurs d’huile rance et d’humidité, d’eau croupie et de cabinets bouchés, le tout parfumé à la sueur aigre des hommes macérant depuis longtemps dans des vêtements crasseux. Alors, oui, ça schlingue du début à la fin, mais… mais ce n’est pas l’homme qui pue, c’est la vie qu’il mène au fond de son cloaque, et c’est d’elle aussi dont on veut s’échapper.
En un peu moins de deux-cent pages et vingt tableaux d’un réalisme cru, Amado dresse la typologie d’un clapier de quatre étages et de sa faune plutôt cosmopolite. Le clapier, c’est un vieil immeuble du vieux Bahia situé sur les hauteurs de la ville, là-même où les esclaves d’Afrique étaient jadis ficelés au pilori, puis fouettés au sang jusqu’à ce que mort s’ensuive. A l’époque de Suor (courant des années 30), le pilori a été rasé rasibus et l’esclavage aboli, mais le nom est resté et la symbolique aussi : le Pelourinho est devenu le quartier de Bahia où les pauvres s’entassent les uns sur les autres, dans la promiscuité et l’absence d’hygiène, vivant de petits boulots ingrats et mal-payés, jusqu’à ce que la maladie les prenne et que la mort les emporte.
Bref, toute cette humanité rampante vit là en agrégat, côte à côte mais pas vraiment ensemble, séparés qu’ils sont par des cloisons, des planchers, des paliers, des couloirs. Un manque d’unité criant, dont rend parfaitement compte le livre de par sa construction fragmentaire, en chapitres courts et concis, parfois de seulement sept ou huit lignes, sans personnage principal, ni même d’histoire à proprement parler, mais avec une incroyable imbrication d’anecdotes en tout genre, de petites tranches de vie et surtout de misères qui, s’additionnant, finissent peu à peu par former un tout homogène.
Aticle de Bruno Moro, paru dans Librairie Entropie Paris